بمناسبة 8 مارس
ننشر التحليل التالي للأستاذ عبد الفتاح الزين
منقولا عن موقع
http://www.forumalternatives.org/
L’émigration Féminine aux pays du Golfe :
Eléments d’analyse et d’action
jeudi 6 janvier 2005 par Abdelfattah Ezzine
L’intérêt croissant au phénomène de migration et aux situations des émigrés marocains dans les pays d’accueil a été à la source d’une littérature foisonnante et diversifiée (études, recherches, mémoires et thèses universitaires, rapports, etc.) qui couvre diverses disciplines, spécialités et approches. Ce phénomène a été aussi l’objet de plusieurs corrélations thématiques qu’elles soient de caractère économique, sociale, culturelle ou juridique ... On est arrivé même à lui dédier tout un ministère et d’autres institutions gouvernementales s’occupant de la gestion et du suivi de tous les aspects de la migration. Mais, dans ce cadre, il faut noter que la femme est restée la parente pauvre de ces actions administratives, scientifiques, politiques et sociales ... Il fallait attendre les années 80, avec la montée de la question féminine sur la scène internationale (l’année internationale de la femme, le Congrès de Nairobi, etc.) et surtout depuis le passage des actions sociales en faveur de la femme à l’IFD et la perception de la liberté de la femme comme partie intégrante du processus de démocratisation revendiqué par les forces vives de la société marocaine (Projet de l’intégration de la femme dans le développement) ; en l’occurrence, la société civile (associations féminines et de droits de l’Homme ...) et les partis politiques ... pour voir émergé cet intérêt aux problèmes de la femme émigrée. Et, surtout depuis que l’émigration féminine a connu un développement important vers la moitié des années 80 ; émigration individuelle et autonome ; fait de femmes surtout célibataires, parfois divorcées ou mariées avec ou sans enfants. Ces femmes souhaitent améliorer leur niveau de vie à travers la recherche d’un travail hors du pays. Il est à noter, aussi, que si on constate une abondance d’études, recherches, projets... concernant l’émigration vers l’Europe, par contre l’émigration vers les pays arabes (et autres continents comme l’Afrique, l’Amérique ...) passe sous silence. Elle n’est même pas considérée en tant que telle, malgré que ces émigrés sont les victimes des humeurs politiques des Etats arabes et des tensions interétatiques (comme l’expulsion de plus de 200.000 marocains de l’Algérie lors de l’organisation de la Marche verte par le Maroc pour récupérer son Sahara, expulsion "sauvage" des émigrés marocains de la Tunisie, etc.). Les études réalisées concernant cette émigration restent rares. Alors que celle-ci connaît encore une précarité juridique ; situation qui reste occulté par ce silence suspect. De ce fait, l’émigration féminine vers les pays arabes souffre d’une double insouciance en tant qu’émigration arabo-arabe et féminine.
L’étude que nous présentons ici tente de construire ce sujet et d’initier la recherche dans ce domaine encore vierge. Pour cela, elle se présente beaucoup plus comme plateforme que comme une étude proprement dite.
1- Les caractéristiques de la migration marocaine aux pays du Golfe :
Selon le Dossier d’information concernant la Convention des Nations Unies sur les droits des migrants , le Maroc occupe le 4ème rang parmi les 10 premiers pays dont la population de migrants en ce qui concerne le transferts de fonds avec 3.3 milliards USD en l’an 2000. Ce qui représente 9.7 % du PIB en 2001 (avec le même rang parmi les 10 premiers pays). Mais, selon le Rapport VI du Bureau International du Travail , l’émigration marocaine est moyenne et reste aussi au niveau de la performance en matière de développement moyenne, elle ne réalise, dans ce cadre, qu’une progression lente du revenu par habitant, elle se chiffre à (-1,0) . Cette migration se distingue, et ce, malgré son ancienneté, par la faiblesse de son effectif qui atteint 231.960. Elle représente 9% de l’ensemble des émigrés .
Source : Mohamed Khachani (Président de l’AMERM).- L’émigration marocaine :un enjeu majeur dans les relations entre le Maroc et l’Union Européenne. Polycopie, S.D., 23 p.
Cette population, hommes et femmes confondus, n’arrive pas à s’intégrer dans les pays d’accueil, car elle manque de conditions et d’incitation. Elle est non seulement à la merci du climat politique entre le pays d’accueil et le pays d’origine ; condition qu’endure tous les émigrés arabes dans les pays arabes d’accueil, mais elle reste aussi dépendante d’une politique qui ne voit en elle que des arrivants (wafidine ) -surtout dans les pays du Golfe- qui partiront une fois leur tâche remplie et que le pays n’a pas besoin de leurs services.
A l’encontre de ce que les études et les recherches ont démontré à propos des marges d’intégration des émigrés dans les pays d’accueil occidentaux que les revendications des émigrés et des groupes de pressions (partis politiques, sociétés civiles, etc.) ne cessent d’élargir et légaliser (regroupement familial, code de la nationalité, la participation à la vie politique, etc.) ; le statut d’étranger est de mise dans les pays d’accueil arabes pour ces émigrés qu’on ne cesse de les marteler par le leitmotiv " vous êtes dans votre deuxième pays". La législation n’évolue pas, le statut quo est maintenu et on ne trouve ni 2ème ni 3ème génération ...
Cependant, on peut distinguer au sein de cette émigration marocaine entre l’émigration vers le Maghreb et celle vers les pays du Golfe, non seulement au niveau des législations mais aussi au niveau des populations concernées. Si l’émigration vers l’Algérie reste la plus ancienne, puisqu’elle concernait les habitants du Rif et du Maroc oriental qui étaient attirées par le travail saisonnier comme main d’œuvre agricole dans les exploitations des colons français, celle vers les pays du Golfe est très récente et date du boom pétrolier. Il est à noter que le nombre d’émigrés marocains en Algérie occupent le 2ème rang après ceux qui sont installés en Libye. Cette population est répartie à travers les pays arabes comme suit :
(Voir le fichier Word)
En tenant compte du sexe des émigrés vers les pays arabes, on constate que les femmes - avec une prépondérance absolue - choisissent les pays du Golfe comme destination. Les pays du Golfe, comme il a été susmentionné, considéraient ces émigrés comme des wafidines. Ce statut, appliqué à tous les émigrés sans distinction, ne garantit aucune concession résultante de l’ancienneté ou autre. Ce concept de wafid, en tant que terme juridique opérationnel dans les pays du Golfe, comparé avec le concept de l’émigré, terme juridique utilisé en Occident, montre la précarité dans laquelle vit cette communauté dans ces pays arabes. Les experts de l’Organisation Arabe du Travail ont joué un rôle dans la mise en forme du concept de wafid . Ce qui avait un impact fâcheux sur l’intégration des émigrés dans les pays d’accueil, et a donner au marché arabe de l’emploi un aspect sectaire. D’ailleurs le Rapport cité du BIT brosse un tableau fastidieux, car "le système du parrainage, dit "kafeel", très répandu dans les pays du Golfe a causé un afflux de main-d’œuvre sans commune mesure avec la demande des employeurs locaux, d’où la présence de nombreux migrants en situation irrégulière. Quelques intermédiaires se livrent au trafic illicite et à la traite des migrants, des pratiques qui s’avèrent difficiles à réprimer. Ainsi comme le souligne un rapport de la CSL, "les agences de placement privées prises en flagrant délit de pratiques abusives, voire de travail illégal, échappent souvent à toute sanction. Lorsqu’elles sont sanctionnées, les peines sont bien légères par rapport aux préjudices qu’elles ont causés aux migrants." D’après ce constat, l’émigré reste à la merci du kafeel au lieu d’être sous la protection des lois de l’Etat. Sans oublier de signaler l’absence de toute institution civile de protection et de soutien et la carence flagrante en matière des droits de l’Homme (voire des émigrés) même quand les quelques "militants" affiliés à des structures associatives fantômes essaient de fournir beaucoup plus des services de bienfaisance et des actions de philanthropie que de militer pour garantir aux migrants leur droits. Il faut noter que le discours discordant officieux intervient pour semer le doute sur la bonne cause de la Campagne Mondiale en Faveur des Droits des Migrants tout en voyant d’un œil sceptique les tenants et les aboutissants de cette convention qui nuit à ce "havre d’émigrés" qu’ ils taxent d’exceptionnel (sic !) et qui entorse le pas au processus normal de "coexistence" entre la société d’accueil et ces wafidines (et resic !). Dans ce cadre, seuls deux pays arabes ont signés cette convention, il s’agit du Maroc et de l’Egypte. Ils l’ont signé depuis 1993. Par contre, aucun pays occidental d’immigration n’a ratifié cette convention ; cependant, en 2002, le Parlement Européen et l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats Américains ont soutenu la ratification de la convention. Ce qui représente des signes encourageants, dans l’attente de jours meilleurs pour ces émigrés dont la situation reste précaire et que les gouvernements de leurs pays ne défendent pas comme il se doit au nom d’une fraternité qui frise la complicité. L’omerta concernant ce dossier est de mise.
En ce qui concerne la population d’émigrées à laquelle on s’intéresse dans cette étude ; en l’occurrence les femmes, elle est majoritairement jeune (20 - 35 ans). Il et difficile d’avancer des statistiques fiables couvrant le nombre d’émigrées, leur répartition sur le marché de travail, etc. ; car ces jeunes femmes entrent, ces derniers temps avec visa touriste, transhument entre les pays du Golfe et ceux-ci et leur pays suivant le "climat politique" en matière d’immigration ... Bref, elles ont leur stratégie, quitte à basculer dans le statut de clandestines circulant en toute liberté sous leur noire ’abaya (sorte de cape pour femme) et voilées et même payer une amende aux points de transit pour rejoindre leur pays. Qu’en est-il de leur quotidien dans ces pays d’accueil ?
2- Heurs et malheurs des émigrées marocaines dans les pays du Golfe :
Afin d’avoir une vision claire des conditions de migration et du quotidien de ces élues loin des leurs, qui se voient heureuses à entamer cette nouvelle vie où elles vont enfin réaliser leurs rêves ; il est préférable de suivre l’itinéraire de leur procession vers cet "eldorado" souhaité ! Mettre en lumière leur ruée vers ce "paradis" nourrie d’un "fondamentalisme économique". Leur but est d’avoir un statut social dans une société qui commence de plus en plus à croire au respect imposé par ce que tu possèdes non pas par ce que tu es ou tu représentes !!! En bref, assurer les conditions d’une vie décente.
2.1- Préparatifs pour le nouveau "statut" d’émigrée :
Pour émigrer en bonne et due forme, les futures émigrées doivent avoir un contrat de travail respectant les règlements en vigueur reconnus par l’Etat du pays d’accueil et l’Etat marocain ; document qui leur donne le droit à avoir un visa. Les futures émigrées se placent sans le savoir sous le pouvoir exclusif du "kafeel", car, une fois là-bas, ce parrain va leur confisquer leurs passeports. Désormais, elles ne seront pas les "hôtes" de l’Etat du pays d’accueil, puisque le parrain est très réconforté dans sa situation grâce aux lois en vigueur dans son pays, sinon grâce à la connivence déclarée ou non des officiels de son pays. En général, ces contrats défendent plus les droits de l’employeur que de l’employé(e). Et, comme les émigrées ont hâte d’avoir du travail et ne sont pas assistées par un conseiller juridique n’accordent pas beaucoup d’attention aux clauses de ce contrat qu’elles arrachent grâce aux pots-de-vin versés aux médiateurs qui sont à la recherche de ce "gibier facile". D’ailleurs, les employeurs choisissent minutieusement leur terrain de chasse, en général, à l’aide d’un tiers transformé pour l’occasion en recruteur et conseiller qui se paie ses honoraires des deux côtés. Parfois, ce médiateur est une ancienne émigrée qui avance son choix comme une faveur ou une réponse à une demande pressante de la future élue. Le recrutement se fait dans l’informel, sinon, dans des conditions suspectes. 2.2- Le travail : surprise, domptage et exploitation Le travail futur qu’attend l’émigrée est décrit de manière vague. Il s’agit généralement d’un emploi dans le secteur des services telle que l’hôtellerie, la restauration et la coiffure avec ses services connexes ... Bref, un emploi qui ne demande pas une qualification poussée et par conséquent le niveau d’instruction de celle qui exercicera ces métiers est moyen, si elle n’est pas analphabète et sans véritable formation. De ce fait, elle reste malléable, puisque le recrutement est loin d’être le résultat d’une véritable sélection. Les conditions d’embauche se passent beaucoup plus dans des atmosphères festives et informelles que dans des cadres institutionnelles.
Les recrutées sont en général des jeunes femmes. La presse nationale a fait les échos de quelques faits liés à ce type de recrutement. Dernièrement, et depuis que des parlementaires marocains ont soulevé la question de ce type d’émigration louche (lors d’une séance de questions orales de la session du printemps 2003 ), les mesures de contrôle aux points de transit ont été renforcées et on a constaté le refoulement de nombreuses jeunes filles et dont la majorité sont titulaires de visa touristique. Informations qui reste à étayer sur des chiffres fiables. D’après nos investigations de terrain , la majorité des ces émigrées sont relativement jeunes. Elles viennent surtout des grandes villes du Maroc (Casablanca et Rabat détiennent le palmarès). Si on se hasarde à dresser un portrait robot plus au moins fiable de ces émigrées, on peut dire que l’âge moyen reste 26 ans à peu près. Elles sont originaires de couches sociales moyennes et de familles menacées par la récession économique que connaît le Maroc. Elles ont, en général, au moins un membre de la famille en chômage. Elles habitent les quartiers populaires ; ceintures de pauvreté qui assaillent les villes et espaces qui témoignent de la frustration de toute une génération qui ne rêve que de quitter le pays sans se soucier de l’avenir incertain de cette expérience de migration mal préparée et qui débouche fréquemment sur la mort ou sur la délinquance de toutes sortes (voire la criminalité et même le terrorisme ). En plus, du fait que la plupart d’elles sont à la recherche d’un emploi pour la première fois, elles sont beaucoup plus intéressées par le salaire qu’elles vont toucher que par les conditions de travail et la définition de la tâche future qu’elles sont appelées à accomplir. Plusieurs d’entre elles déclarent avoir acheté leur contrat au prix fort (environ 5000,00 Dhs / 1 $ US vaut 9 Dhs en moyenne), sans parler des pots-de-vin versés au médiateur et à la préparation des papiers. Et, parfois, même le prix du billet d’avion est payé par l’émigrée lors du 1er voyage. On trouve parmi elles des femmes divorcées avec un enfant au moins et dont l’ex-mari chicane pour ne pas verser les montants de la maigre pension définie par les lois du code de la famille . L’ex-épouse, expulsée de la maison conjugale sans ressources devant une instruction judiciaire longue, complexe et lente, se trouve acculer à chercher d’autres alternatives ; alors cette émigration se présente comme le bouée de sauvetage, elle use et abuse de tous les moyens pour l’arracher. Il y’a aussi des jeunes femmes, qui tardent à avoir le mari qui va les sortir de cette aubaine et dont la situation familiale les poussent à opter pour l’émigration soit pour venir à l’aide à cette famille ou fuir cet enfer. On a constaté aussi l’arrivée d’étudiantes universitaires, diplômées en chômage et même originaires de familles aisées ou de l’Europe ... !!
Il est tout a fait normale de dire que ces émigrées ne sont pas toutes destinées à alimenter les réseaux de la "traite des blanches", cela est juste au départ. Mais, vue l’harcélement dont elles sont l’objet, elles se trouvent contraintes à franchir le pas petit à petit soit par le biais d’un mariage formelle (blanc) où le mari n’est qu’une couverture ou un mariage qui n’est, à vrai dire, qu’une formalité, sorte de "rite de passage" à accomplir. Une fois consommé, la mariée divorce pour vivre comme bon lui semble. Ce glissement vers ce monde des maisons closes et les boîtes de nuit passe par diverses processus, on a pu relever ce qui suit :
Comme les futures émigrées ont des contrats qui définissent de manière vague leur travail future, elles se trouvent, après les premiers jours de l’accueil, inviter à travailler comme serveuses puis à endosser les habits de "l’artiste" (chanteuse et/ou danseuse). Si l’une d’elles rechigne, elle sera punie et maltraitée (séquestration, privation de nourriture, etc.). C’est le cheminement de celles qui travaillent dans l’hôtellerie. Il y’a celles qui ont connu leur future "Kafeel" au Maroc. Se présentant comme le riche et le sauveur, les jeunes femmes tombent sous le charme et ne se réveillent qu’une fois larguées par leur amant / mari / ..., car le mariage n’est pas légale ; soit par ce qu’ il est un mariage coutumier ou de jouissance donc non reconnu par les légalisations marocaines et par-dessus le marché, les Etats du pays du Golfe interdisent le mariage avec l’étrangère (ou l’étranger) sauf dans des cas où l’homme est muni d’une autorisation ou il a un handicap reconnu par les autorités compétentes en la matière !! Donc, ces mariées , sans situation légale, se trouvent obligées à chercher d’autres alternatives ... ou accepter à vivre comme concubines ... en attendant des jours meilleurs. La majorité ne trouve d’autres issues que le travail dans des boîtes de nuit ou dans larestauration. Si des problèmes interviennent, elles se trouvent traitées comme clandestines et donc renvoyées chez elle .... On a trouvé un nombre important de filles qui ont déclaré qu’elles sont venues avec un visa touristique pour chercher du travail, mais vite elles sont devenues "artistes" !! Enfin, il y’a celles qui ont un contrat d’artiste (groupe musical). Celles-là, au moins, savent qu’elles viennent pour un travail choisi. Cependant, il faut noter que les émigrées marocaines ont le monopole de ce secteur malgré que la plupart d’elles ne savent ni chanter ni danser !! Les autres détiennent des salons de coiffure. Celles qui sont à la recherche d’un kafeel sont de simples clandestines qui endurent les mauvais jours en attendant la régularisation de leur situation. Celles qui travaillent dans d’autres secteurs, à part la restauration et les secteurs susmentionnés, ne sont pas visibles. Et, d’après nos investigations, leur nombre reste infime (information que nous avançons avec beaucoup de précaution puisqu’on manque de statistiques).
2.3- Le quotidien d’une "présumée détenue" :
Les sociétés du Golfe sont des sociétés qui accueillent beaucoup d’émigrés dont la majorité sont des hommes, ils arrivent sans leurs épouses s’ils en ont. Les statistiques de l’an 2000 classent les pays du Golfe comme suit :
Rang
pays
Nbre d’émigrés par mille
% par rapport à la population légale
1
Emirats arabes Unies
1.922
73,8
2
Koweït
1.108
57,9
3
Sultanat d’Oman
682
26,9
4
Arabie Saoudite
5.255
25,8
Source : UNESCO .- La Convention des Nations Unies sur les droits des migrants (Dossier d’information). Paris, Septembre 2003, p. 7.
De ce fait les femmes se trouvent minoritaires. En plus, la non-mixité dans les espaces publiques aiguise la "prédation sexuelle". Lors des saisons du tourisme, on constate un afflux de jeunes femmes ayant le visa touristique, valide pour un mois, vers ces pays. Elles circulent dans la région selon les circonstances. Un nombre important de marocaines font parties de ces vagues. Cependant, ces dernières sont les plus chères sur le marché de "la traite des blanches" parce qu’elles parlent arabe. D’ailleurs, les femmes du Golfe voient en elles des"voleuses des maris" et elles croient même qu’elles ont recours à la sorcellerie ...
Le Kafeel a un droit total sur ses employés. Les émigrées, surtout, ne sortent qu’accompagnées d’un vigile. Tout leur quotidien est réglé selon l’humeur de celui-ci. Une fois installée, l’émigrée vit enfermée avec ses copines dans la demeure choisie pour elles. leur vie d’émigration passe entre le lieu de travail et le domicile. Celles qui travaillent comme "artistes" dans les maraqess (Sing. marqass sorte de dancing arabe) sont l’objet d’une exploitation horrible. Elles travaillent 6 h par jour en moyenne. Elles montent sur scène de 21 h à 3h du matin avec une séance spéciale le vendredi de 15 h à 18h !? . Elles n’ont droit à aucun repos. Une fois le travail terminé, on les conduit, parfois, pour la célébration d’autres fêtes ou cérémonies ... Elles deviennent des êtres "quasi-nocturnes". A part leur solde mensuel qui varie entre 5.000,00 Dhs et 15.000,00 Dhs, nos "artistes" se voient offrir de la part du public des couronnes ou des colliers de roses en guise d’encouragement ou seulement pour entrer en contact avec la future amie (sous-entendu amante) : une sorte de drague. Ces signes de largesse peuvent débouchés sur des rencontres organisées par le manager des lieux qui est payé pour ces services. Les filles qui ne rapportent pas ou sans clients sont virées ou affectées dans d’autres lieux afin de tirer profit d’elles au maximum.
En bref, une fois, les jeunes femmes embauchées, comme "artistes", elles "perdent leur liberté". Elles ne la couvriront qu’après le passage du point de contrôle à l’aéroport vers leur pays, c’est là qu’elles recevront du main du kafeel leur passeport, leur billet de voyage et parfois même leur salaire. Pour cela, on constate des disputes à cause des sommes prélevées du salaire pour telle ou telle futilité que le kafeel ou le manager de la boîte de nuit décide comme punition ... La plupart des temps, les émigrées sont contraintes à accepter le fait accompli... Les économies de trois mois s’avèrent revus à la baisse ... Plusieurs d’entre elles vouent leur malheur à Dieu. Elles se sentent comme elles disent "n’avoir aucun pour les défendre ... Malgré qu’elles sont là pour nourrir des bouches et venir à l’aide d’une famille qui ne connaît rien de leur calvaire ou si, généralement, la maman connaît, elle deviendra la confidente. Les émigrées qui travaillent dans la restauration ont plus de liberté comme les autres employées du secteur de la coiffure, etc. Qu’en est-il du bilan ?
2.4- Bilan déceptif :
Selon ces données collectées et les récits qu’on a recueillis, toutes les personnes qui ont travaillé comme "artistes" et qui sont majoritaires (une constatation qui sautent aux yeux : toutes les danseuses et les chanteuses sont du Maroc) parlent d’un maigre bilan pour tant de peines et d’exploitation. En plus d’une vie de prisonnière qui ne peut communiquer avec le monde extérieur que par téléphone ou sortir épisodiquement pour le shopping sous surveillance.
Leur expérience d’émigrée reste un vrai calvaire. Farida (pseudonyme) raconte qu’elle a du mal à trouver un mari car "ces délinquantes, je les comprends, ont sali la réputation de toutes les marocaines !". Ces émigrées, taxées de brebis galeuses, mènent une "vie de chien". ’Anoud , n’a pas vu sa famille il y’a presque 4ans : "je leur envoie de l’argent, mais je n’entre pas les voir. Je n’ose pas les regarder en face, en plus je fume et je bois, comment je vais faire avaler cela à mon vieux père !!". Ahlam, divorcée avec un garçon qu’elle a laissé à sa maman, n’a pas supporté sa nouvelle vie est a décidé de se suicider. Sauvée, le kafeel l’a renvoyé à son pays sans lui payer ses deux mois de travail. Quant à ’Abir et ses copines ont fait grève pour être payées pour les cérémonies privées, le manager les a enfermées sans nourriture pour briser leur mouvement. Après cinq jours de tentative d’’intimidation, le kafeel a décidé de les renvoyer sans les payer, elles ont décidé de porter plainte. Ce dernier a cédé et les a renvoyées jurant qu’elles ne remettront jamais les pieds dans son pays ... Ces quelques petites histoires n’ont rien d’anecdotiques, elles donnent une image de ce qu’endure ces émigrées laissées pour compte et que personne ne veut défendre : leur apport est comptabilisé dans les montants de fonds transférés par les RME, mais elles sont oubliées en ce qui concerne la défense de leurs droits.
D’ailleurs, une chanson célèbre qu’une marocaine a créé et que d’autres sont entrain d’enrichir pour décrire leurs malheurs et leur "exil forcé". Cette chanson, très demandée par le public des maraqess, résume cette vie brisée :
Youm yachebah youm Les jours se ressemblent
Hayati hadi C’est ça ma vie
Qoulou li zahri fine ikoune Dites-moi où est ma chance
La’âmare rhadi Ma vie passe ?
3- Eléments d’une stratégie d’action : (propositions) Il ne s’agit pas ici de présenter une stratégie d’action issue d’une étude approfondie du phénomène, mais on parlera beaucoup plus d’éléments élaborés à partir des demandes et vœux formulés par celles qu’on a pu entendre et de mise en place des structures expérimentées dans des domaines semblables ou périphériques, et qui peuvent être les composantes d’un programme qui reste à élaborer en partenariat entre l’Etat à travers les instances compétentes concernées, la société civile et les ONG. Ces éléments que je présente, en bref, comme suit : 3.1- Un travail en amont par le plaidoyer et le lobbying en ce qui concerne la convention des Nations Unies sur les droits des migrants et aussi l’adhésion au comité de soutien à l’application de cette convention par la création de comités nationaux. Le travail doit aussi être orienté vers l’Organisation Arabe du Travail ... 3.2- En aval, par la mise en place des structures d’accueil, d’écoute et d’orientation de ces jeunes femmes pour leur venir en aide en ce qui concerne le recouvrement de leurs droits et leur dignité en vue d’une insertion sociale ou d’une confiance en soi et d’une foi en l’avenir. C’est une main que toute la société est appelée à tendre pour ces émigrées bannies au nom d’une "morale puritaine" qui voient le mal dans la femme sans se soucier des conditions qui nourissent ce fléau... Ce travail doit se faire en symbiose avec les autres actions menées en faveur des femmes.






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